Pour nombreux·se·s, seuls les hommes décident de mener le djihâd. Comme invisibilisées encore une fois, les parcours de vie des femmes qui se font embarquer dans cette voie ne sont que trop peu connus. Dans son style propre, Zélie cherche à comprendre le rôle du biais de genre "reflétant les erreurs sexistes de notre société" dans un contexte terroriste.
Je les lis
Je les écoute
Je les regarde
Envie de comprendre
Y mettre des mots
En dépeindre leurs histoires
Leurs trajectoires
Elles sont femmes
Venant d’un peu partout
Certaines racontent :
Comme Nesrine
Qu’elles avaient la sensation d’être
Opprimées
Enfermées
Invisibilisées
Qu’elles ont été
Manipulées
Convoitées
Embrigadées
Qu’elles ont cru à
Une liberté
Une sororité
Un endroit où apporter son aide
Dans une société où elles se demandent :
Comment être femme ?
Comment répondre à ce que l’on attend d’elles ?
Comment comprendre ce que l’on attend d’elles ?
Quand elles trouvent ces réponses
Elles s’y accrochent
Elles pensent trouver une voie
Elles entreprennent une nouvelle trajectoire
Arrivée sur place
Ce qui était un rêve pour certaines se transforme en cauchemar
Découvrir l’horreur
De l’homme avec lequel elles doivent vivre
De l’atmosphère qui règne dans les rues
De l’insécurité des bombardements nocturnes
D’autre au contraire
Comme Douha Mounib
Défendent encore leur conviction une fois rentrée
Raconte y avoir trouvé leur place
Éduquent leurs enfants comme de futurs combattants
Servent leur mari.
La peur
Celle qui ne les quitte jamais
Celle dont nous parle Amandine Le Coz
Lors de son procès
Celle avant le départ,
De la société autour
D’une éducation compliquée
De certaines relations toxiques
Celle là-bas
Ne pas trouver d’alliées
Passer pour une mécréante
L’exécution du châtiment
Et dans tout cela
Les injonctions
Qui ne cessent jamais
Que ça soit avant
Que ça soit après
Pour que cette peur règne
Pour que les règles soient respectées
Pour assoir ce climat dans les rues
Une police est créée
Des femmes sont recrutées
Ces femmes patrouillent dans les rues
Elles deviennent de celles qui ont trouvé leur place
Elles deviennent de celles qui sont convaincues
Elles deviennent de celles s’y dévouent
Ces femmes
Qu’on ne soupçonne pas de violence
Font régner les mœurs en place
En arrêtant dans les rues
Celles qui fautent
Celles qui offensent
Celles qui pèchent
Elles les punissent
À coup de ceinture
À coup de bâton
À coup de morsure
Pour laisser une marque
Celle de la honte
Elles sont appelées
Les mordeuses
Elles mordent
Jusqu’à
Hématome
Sang
Évanouissement
Ces femmes
Parfois bien plus violente
Loin de l’image de celle qui est douce et se met au service de l’autre
Mais celle qui empoigne et torture
Celle qui humilie avec hargne
Et puis il y celles qui sont rapatriées
Celles qu’on appelle les revenantes
Elles vivent alors une nouvelle trajectoire
Une trajectoire de retour
Et à nouveau les mêmes questions
Sur ce qu’elles représentent
Que faire d’elles ?
Longtemps leur genre a été
Un laissez-passer
Les patries ne se posaient pas la question de leur motivation
Jugée femme
Jugée victime
Jugée soumise
Le biais de genre
Comme un filtre
Reflétant les erreurs sexistes de notre société
On les pensait incapables
De violence
D’engagement idéologique extrême
De prendre les armes
On a trop longtemps masculinisé
La radicalisation
Le terrorisme
La violence
Aujourd’hui
Et depuis 2016
Les revenantes
Porte le chef d’accusation
« Association de malfaiteurs terroriste »
Ce nouveau regard sur les femmes
Sur leur capacité à avoir un rôle dans la violence politique
N’empêchent pas les stéréotypes de genre d’être encore présent dans les tribunaux
Les femmes vont alors être davantage psychologiser
Être condamnée pour être une mauvaise mère
Face aux hommes qui eux resteront politiser
Et jugé sur leur soutien idéologique au groupe terroriste.
Sources :
« Les filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania
https://www.arteradio.com/serie/la_cage_une_francaise_dans_le_djihad/2215
https://www.revueconflits.com/islam-etat-islamique-femmes-djihadistes-anne-sophie-bedziri/
https://www.spicee.com/content/irak-les-mordeuses-de-daesh-1753