Dans une lettre ouvertement poétique, Zélie nous livre sa nation rêvée et idéale. Une nation mouvante, répondant aux voix des oublié·e·s, opprimé·e·s.
Une lettre ouverte pour touxtes celleux qui craignent la montée de l’extrême droite, une lettre ouverte pour se sentir moins seul·e·, une lettre ouverte tressée d’espoir et de lutte.
À touxtes celleux
qui craignent la montée de l’extrême droite
qui se font des insultes une armure
qui ne passeront sans doute jamais la ligne d’arrivée
Je me glisse dans les rues du quartier
Celui dans lequel j’ai grandi
Celui plein de mes repères
Celui que je vois changer au fil des ans
Les visages qui m’entourent
Tout aussi familiers
Que les pavés
Que les briques de couleur
Que les vitrines transformées au fil du temps
Ces visages qui se transforment
Eux-aussi
Du bambin à l’ado
Du parent au vieillard
Tous familiers et changeants
Font que ce quartier
Je le nomme
“mon” quartier
Mais les gens qui s’y trouvent
Tout ce monde
Ce décor quotidien
Est-ce
“ma” nation ?
Je ne me sens appartenir à rien
Ces gens qui m’entourent
Ne sont pas miens
parce qu’appartenant à ce décor
Aucun fil invisible
Aucune ressemblance physique
Aucun idéal similaire
Ne me rattache à la population de ce quartier
Ne m’attache à la population de cet État
À touxtes celleux
qui craignent la montée de l’extrême droite
qui se font des insultes une armure
qui ne passeront sans doute jamais la ligne d’arrivée
J’ai pour nation
L’éphémère
L’invisible
L’urgence
J’ai pour nation
Les cris qui habitent les rues
Les cercles de parole auprès du feu
Les bras qui s’enlacent, s’entraînent, s’envoient valser dans des danses libertés
J’ai pour nation
Celleux qui se cachent encore
Celleux qui rêvent à la dignité
Celleux qui s’organisent pour demain
J’ai pour nation
Une nation mouvante
Qui se fait et se défait au besoin de ses membres
Qui comprend l’urgence de faire clan
Qui comprend le besoin d’inclure
Qui sait le prix de la parole
Qui vibre en entendant les tambours battre le pavé
Qui écoute les sans nation
parce qu’elle aussi peut s’en défaire
J’ai pour nation
Une bande
Une meute
Une tribu
À touxtes celleux
qui craignent la montée de l’extrême droite
qui se font des insultes une armure
qui ne passeront sans doute jamais la ligne d’arrivée