Le redoublement scolaire, on en parle ? Ancré dans notre système éducatif, ce mécanisme pose question. Symptomatique de ses maux, il frappe pourtant les personnes qui ne sont que victimes des lacunes de nos écoles. Découvre l'avis de Yasmine sur ce qu'elle décrit de manière frappante comme "violence institutionnalisée".‼️
À l'école, les professeur·e·s m'ont trop souvent répété que je n'avais pas assez confiance en moi.
En France, pendant la période du collège, j'arrivais à m'en sortir même si je n'aimais pas du tout étudier et faire mes devoirs. En arrivant dans le système secondaire belge, j'ai eu un gros choc et j'ai compris qu'il fallait que je redouble d'efforts si je ne voulais justement pas doubler.
Le niveau et le type d'intelligence attendus ne m'a pas du tout correspondu. Au lycée, on attendait de moi une intelligence industrielle, on ne me demandait pas tellement de réfléchir, mais plus d'ingurgiter une quantité de savoirs dont je ne comprenais pas tellement l'utilité.Chose que je n'ai pas réussi à faire puisque je me suis retrouvée à doubler ma 5e secondaire.
L'annonce de mon redoublement a été extrêmement difficile pour moi. Je crois n'avoir jamais ressenti un sentiment d'échec et d'injustice aussi fort. Bien que j'avais certaines difficultés à l'école, je ne pensais vraiment pas en avoir au point de refaire entièrement mon année.J'ai vécu le redoublement comme une double peine, car, en plus de « perdre » une année de ma vie, je prenais du retard par rapport à mes ami·e·s. En plus de se retrouver exclu·e scolairement, on se dit qu'on le sera aussi socialement.
Les premiers jours de l'année de mon redoublement ont été fort difficiles. Je me souviens avoir fait beaucoup de crises d'angoisses et de pleurs pendant cette période. Mais, après un peu de temps dans ma nouvelle classe, j'ai pris mes marques et me suis fait de nouveaux ami·e·s. La différence d'âge n'était en pratique pas si importante et visible que ça. Concernant les cours, ma deuxième 5e a été extrêmement facile pour moi. D'une part, car mon redoublement n'était en soi pas si fondé que ça. D'autre part, car les professeur·e·s ont tendance à laisser tranquilles les redoublants. J'ai senti qu'on exigeait beaucoup moins de moi, voire qu'on m'était un peu indifférent·e. J'avais doublé, le mal était fait et iels étaient certain·e·s que je réussirai mon année : alors, pourquoi s'attarder sur mon cas ?
Ensuite, en quittant le Lycée, j'ai compris que le "retard" que j'avais pris n'était pas si flagrant que ça. En études supérieures (licence de droit), nombreux·ses sont celleux qui ont une année, voire plus de retard. C'est en fait plus la norme de ne pas être dans les temps que de l'être.
Aujourd’hui, je peux dire que j'ai « digéré » cette année perdue, mais il me reste un goût amer en bouche et je ne peux m'empêcher de questionner le sens de cette violence institutionnalisée ! REDOUBLER, rien que le mot est moche et annonce la stagnation et l'ennui. Comme un « retour à la case départ » sans toucher, ni prime, ni victoire!
Et puis, si autant d'élèves « redoublent » c'est que l'apprentissage est en échec ! Pourquoi est-ce à nous d'en payer le prix ?