Radicalisation, les questions sans réponse

l y’a parfois des trajectoires de radicalisation qui interrogent davantage, avec des jeunes promis à un bel avenir, et dont la motivation politico-religieuse était pourtant très forte, et qui sèmeront sciemment le chaos là-bas en Syrie et ici en Belgique. Des jeunes “intelligents, polis, gentils" comme l'avait été Najim Laachraoui. Et quand on pense à ces parcours, on est assailli de questions, de doutes. Tout comme ces jeunes, qui se sont trouvés dans une quête compréhensible d’identité et de justice, tous seuls. Sous prétexte qu’il y a de mauvaises questions, celles trop religieuses, celles trop politiques, celles “pas assez intégrées”, celles “qui ne sont pas tes affaires”, celles “trop compliquées”, on n’a eu que le silence à proposer. Et d’autres ont pu s’engouffrer dans cette absence de sens pour y opposer leurs cruelles réponses.

C’est dans une atmosphère tragique que la famille Laachraoui s’est présentée à la barre, ce 20 avril 2023. Tous présents, tous foudroyés par la stupeur, comme si c’était le matin même que le fils aîné, Najim, s’était fait exploser.  Najim Laachraoui, 24 ans,  l’artificier des attentats de Paris et de Bruxelles, qui a achevé sa course meurtrière en actionnant sa ceinture à l’aéroport de Zaventem le matin du 22 mars 2016. Najim Laachraoui, que d’anciens otages ont même décrit comme fin, cultivé, si différent des “brutes épaisses” qui les entouraient… Mais non moins dangereux, car profondément convaincu, déterminé, et qui n’aurait pas hésité à exécuter ses prisonniers si on le lui demandait.
Ni délinquant, ni idiot. Intelligent, poli, gentil. Telle est la description sur laquelle s’accordent tous ceux qui l’ont côtoyé avant son départ en Syrie.Face à cette trajectoire si imprévisible, Parresia a tenté de partager des éléments qui pourront, peut-être, l’éclairer, à travers le témoignage d’un de ses anciens amis, lui-même passé par la prison pour des faits liés à l’organisation de départs en Syrie, avant de farouchement tourner le dos à cette voie funeste.

Laurence Massart, présidente de la cour d’assises, ne tarit pas de mots encourageants pour la famille Laachraoui. Ils sont témoins, et nullement accusés, rappelle-t-elle. Ils sont présents, ils sont unis, ils étudient, ils travaillent. Quand la maman évoque un “cauchemar”, la présidente abonde dans son sens.  A la fin de leur récit, elle les remerciera et leur souhaitera une bonne continuation.Les Laachraoui coopèrent autant que possible, mais comment pourraient-ils éclairer pour l’audience l’obscurité dans lequel ils sont eux-mêmes plongés depuis ce jour fatidique ?  Et même bien avant, car Driss Laachraoui, le papa, n’a cessé de pleurer, depuis le départ de son fils en Syrie jusqu’à sa mort à Zaventem. A s’en abîmer les yeux, dit-il.  Ca faisait un bon moment qu’ils ne s’entendaient plus. Le père, qui a derrière lui une longue carrière de chauffeur de taxi, mettait un point d’honneur à ce que ses enfants soient bien élevés et durs à la tâche. Il suivait de très près leurs études.  A l’institut de la Sainte-Famille d’Helmet, où il a fait ses secondaires, Najim n’avait jamais fait parler de lui en mal, bien au contraire. Mais une fois arrivé à l’université, en 2009, après une scolarité exemplaire tant du point de vue académique que disciplinaire, ses résultats ont baissé.Driss Laachraoui en est sûr : son fils s’est radicalisé à la mosquée. Il le répétera deux fois.  Mourad, le deuxième enfant de la famille, champion d’Europe de taekwondo, est du même avis. Il explique que ses anciens camarades de classe rejoignent sa famille dans la description de Najim : “intelligent, poli, gentil”. Aucun changement majeur à signaler. Mourad  pense donc que Najim a dû être influencé par un nouveau cercle d’amis, avec, peut-être, la mosquée pour point de départ.

Othman A. est convoqué à la barre, comme témoin. Il s’agit justement d’une de ces nouvelles fréquentations de Najim, celles qui l’ont connu pendant la période d’engagement politico-religieux qui a précédé son départ.  Âgé de 32 ans aujourd’hui, il avait été condamné en 2017 à une peine de 10 ans d’emprisonnement pour avoir participé aux activités d’un groupe terroriste en tant que dirigeant.En apprenant cette information, l’audience a froid dans le dos. L’homme est considéré avec méfiance. Il avait bénéficié d’une remise de peine en 2021, pour bonne conduite, ce qui est apparemment exceptionnel dans un contexte d’affaire terroriste. Son avocat, Sébastien Courtoy, avait expliqué aux médias que le parcours de son client était tout aussi exceptionnel, parce qu’il a participé à des dizaines de séances de “déradicalisation”, entrepris avec succès des études, recueilli une floppée d’avis favorables…”En prison”, explique Othman A., “j’ai eu le temps de penser, j’ai remis en causes mes certitudes, pas uniquement sur le plan religieux”.Le trentenaire s’exprime très bien, de façon claire, mesurée, avec un vocabulaire riche et une extrême politesse. L’audience se détend et tend l’oreille, car Othman A. a beaucoup d’informations à apporter. Depuis son emprisonnement, il a décroché un master, et si ce n’est sa lourde condamnation de 2017, il avait, comme Najim, un dossier judiciaire complètement vierge. En fait, Othman A. semble tout aussi “intelligent, poli, gentil” que Najim. D’ailleurs, Othman A. le souligne, , à propos de son ancien camarade : “Son profil détonne complètement avec celui des autres accusés… Il n’avait eu aucun problème judiciaire, et il était plus respectueux que la moyenne des êtres humains”. A ce point ? Mais alors, que s’est-il passé ?

Des “lectures saoudiennes”

Othman et Najim s’étaient connus à l’école primaire, avant de se retrouver vers l’âge de 17-18 ans, ce moment charnière où Najim a fini ses secondaires et entre à l’université. Selon Othman, Najim était alors adepte de “lectures saoudiennes” de la religion, mais ça ne l’empêchait pas d’être tolérant et ouvert aux autres. Il avait tendance à fréquenter des personnes ayant le même “niveau” de pratique que lui, pour des raisons de “facilités” plus que par sectarisme. Il ne rejetait pas ceux qui ne voyaient pas les choses comme lui, d’ailleurs il n’était pas du genre à s’étaler sur sa religiosité ou à sermonner.

On pourrait déduire  que Najim Laachraoui était alors ce qu’on appelle parfois un jeune “salafiste quiétiste”. Comme ce terme est souvent galvaudé et que les mots sont importants, ça vaut le coup de s’attarder là-dessus.On distingue habituellement dans l’Islam deux grandes branches : le sunnisme et le chiisme. Intéressons-nous à l’Islam sunnite, auquel se rattache la majorité des musulmans dans le monde. Contrairement à ce qu’on pense parfois, le sunnisme n’est pas monolithique et, comme beaucoup de religions d’ailleurs, propose une variété d’interprétations dans plusieurs domaines et sur presque tous les sujets.  Au niveau du droit, c’est-à-dire de la définition des règles à suivre pour chaque croyant, il y’a traditionnellement quatre grandes “écoles juridiques” qui se sont dégagées dans l’histoire de l’Islam. Chacune porte le nom de son fondateur : l’école malikite (très présente en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, mais aussi au Soudan ou dans la péninsule arabique), l’école shafiite (présente en Egypte, au Yemen, et dans certains pays asiatiques comme l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande), l’école hanafite (présente en Turquie, au Moyen-Orient, dans les Balkans, en Asie centrale, dans la région indo-pakistanaise,  dans presque  la majorité du monde musulman) et l’école hanbalite (surtout présente en Arabie Saoudite).Le postulat traditionnel du sunnisme est que  ces écoles sont toutes  censées se “respecter” entre elles et aucune n’est considérée comme plus “valide” que les autres. Chaque musulman.e est censé.e se référer à l’une de ces écoles dans la recherche des “avis juridiques” qui le guideront dans sa pratique religieuse.

Ce qui diffère entre ces écoles, ce sont les méthodes d’interprétation. Juste après le Coran et la Sunna (dires et actes du Prophète) , qui sont les sources fondamentales de l’Islam auxquelles chaque “tendance” se réfère en premier lieu , les écoles se basent chacune sur des sources complémentaires. Par exemple, l’école malikite accorde une grande importance aux avis des compagnons du Prophète et aux coutumes de la ville de Médine du temps du Prophète, et mobilisera entre autres aussi l’analogie, l’intérêt général, et les coutumes locales tant qu’elles ne contredisent pas les Textes. L’école hanafite se base aussi sur l’avis des compagnons du Prophète, tient aussi compte de la coutume locale, mais ne tient pas compte de la coutume de Médine, et accorde une plus grande importance à l’analogie, sans oublier la préférence  du théologien (pour un avis plutôt qu’un autre) ou encore l’opinion personnelle.  Ainsi, l’école malikite est considérée comme plus “traditionnelle”, alors que l’école hanafite est en général vue comme plus “libérale”. L’école shafiite se positionne comme un “équilibre” entre les deux.  L’école hanbalite est apparue dans un contexte de conflit politico-religieux et est parfois considérée comme plus “stricte” car l’analogie sera par exemple rarement utilisée alors que c’est un outil important dans les autres écoles.

Au 18ième siècle, dans ce qui est aujourd’hui l’Arabie Saoudite, un prédicateur, Mohamed ben Abdelwahab, lance son propre mouvement religieux, qui, dans un contexte de décadence du monde musulman, et sous couvert d’un retour au sources de l’Islam et à la pratique des “Salaf” (”pieux prédecesseurs”, premières générations de musulmans après la mort du Prophète), propose en fait une véritable réforme du sunnisme : attaques frontales contre le soufisme (pour résumer, versant “spirituel” de l’Islam sunnite), critique des conceptions sunnites traditionnelles en matière de théologie, et contestation des autres écoles juridiques qui seraient des intermédiaires dévoyés entre les sources fondamentales de l’Islam et les musulmans. Mohamed ben Abdelwahab s’alliera à la dynastie des Saoud qui règne désormais sur l’Arabie Saoudite. Cette alliance politico-religieuse servira de fer de lance au nouveau courant religieux, qui se diffusera bien au-delà de son terreau d’origine, la mondialisation aidant.

Ce courant religieux est donc appelé “wahhabisme”, en référence au nom de son fondateur , et s’inspirerait plus ou moins, sur certains points, au niveau juridique, de l’école hanbalite vue comme plus “stricte” dont on a parlé plus haut. Mais les théologiens traditionnels du sunnisme ne reconnaissent pas le “wahhabisme” comme une école “valable”, et les “savants wahhabis” ne sont pas considérés comme de vrais “savants”, car ils n’ont pas le cursus et les références traditionnelles de la discipline. Les “adeptes” du wahhabisme, eux, ne se reconnaissent pas dans ce terme : ils se voient comme de simples musulmans, désireux de suivre “la voie des pieux prédécesseurs (Salafs)” (”salaf salih”, qui comprend les compagnons du Prophète et les deux générations suivantes), qui est selon eux  plus proche de la vérité puisqu’elle reposerait directement sur le Coran et la Sunna, sans “école” intermédiaire pour guider les méthodes d’interprétation.  Ils se font donc appeler “salafi”, disent suivre le “minhaj salafi” (la voie salafie), d’où le terme de “salafiste”. Les autres écoles aussi se réfèrent aux pratiques des compagnons du Prophète, mais elles ne prétendent pas être la seule voie à suivre puisqu’elles reconnaissent les autres méthodes d‘interprétation et donc les autres écoles comme valides. C’est pourquoi elles sont nommées de par le nom de leur fondateur.
Ce qui semble être un détail témoigne en fait d’une certaine approche de la religion. En effet, l’Islam sunnite “traditionnel” a normalement conscience que ses méthodes sont une proposition parmi d’autres et ses “quatre  écoles” se nomment d’après le nom de leur fondateur, alors que le salafisme se présente comme la seule voie à suivre et rejette dès lors  l’appellation de “wahhabisme”  qui renvoie pourtant aussi au nom de l’instigateur du mouvement.Beaucoup de croyants musulmans que l’on qualifierait de “salafistes” (ou wahhabis) ne sont même pas conscients que leur pratique s’inscrit dans une méthodologie particulière. Une simple recherche sur Internet permet de tomber en général sur des sites, des pages, qui, pour répondre aux questions des internautes désireux d’obtenir un avis religieux, reproduisent en fait la méthodologie salafiste, en mettant en avant sa façon d’interpréter, ses penseurs, ses conceptions.  Seul un oeil avisé peut faire la différence.

En plus de se distinguer du sunnisme traditionnel,  le wahhabisme/salafisme connaît lui aussi des divergences internes.En son sein, on peut compter notamment un courant dit “quiétiste”, qui met un point d’honneur à être dépolitisé, est complètement pacifique et met plutôt l’accent sur la bonne pratique individuelle. C’est sans doute la tendance la plus “diffusée”. D’autres courants, eux, sont plus militants. Il existe enfin une “branche” du salafisme qui se fait appeler nommément “salafisme djihadiste” et qui revendique la lutte armée comme moyen de “défendre” l’Islam et  de remettre sur pied les sociétés musulmanes, vues comme décadentes et colonisées de l’extérieur, par les non-musulmans, et de l’intérieur, par les faux musulmans.  Au niveau doctrinal, le salafisme djihadiste est connu pour pratiquer le “takfir”. Le takfir consiste à “sortir de l’Islam” tel ou tel musulman, sous prétexte qu’à cause de telle pratique ou telle opinion, ils ne peuvent être considérés comme musulmans. Et, sur base de leur interprétation rejetant  les méthodes de l’Islam traditionnel, après avoir usé de l’arme du “takfir”, tel groupe, mouvement ou milice “salafiste djihadiste” prendra les armes contre le.la musulman.e préalablement excommunié. Par exemple, en Syrie,  “l’armée syrienne libre” est considérée comme un groupe de “mécréants” par  “l’Etat islamique”.Bref, c’est à ce courant “salafiste djihadiste” qu’appartiennent les groupes terroristes tristement célèbres comme Al Qaïda ou bien sûr “l’Etat islamique”. En général, le salafisme se distingue par des pratiques qui se veulent plus “rigoristes” et dont il serait trop long de décrire les caractéristiques et  subtilités par rapport à une pratique musulmane dite traditionnelle. Il faut toutefois noter que si le salafisme djihadiste se distingue complètement des quatre écoles , il est issu d’une politisation et d’une radicalisation du salafisme “quiétiste”. C’est d’ailleurs pour cela qu’on  a pu noter, à l’intérieur des communautés musulmanes occidentales francophones, après  la médiatisation des crimes de “l’Etat islamique”, un mouvement de “retour” au malikisme chez plusieurs “prédicateurs” très médiatisés,  dans certains instituts religieux… Comme ces croyants se sont rendus compte que le salafisme djihadiste partageait avec leur “salafisme quiétiste”  le même “rejet” des méthodes traditionnelles de l’Islam sunnite, il y’a eu un retour vers ce sunnisme traditionnel qui se distingue du salafisme djihadiste et des groupes terroristes qui s’en réclament.
De toute façon, le gouffre qui a déchiré le sunnisme ces dernières années ne s’est jamais situé  entre le sunnisme “traditionnel” et le salafisme “quiétiste”, mais bien entre la masse des musulmans d’une part, quelle que soit leur tendance,  et les salafistes djihadistes d’autres part.

Pour en revenir au parcours de radicalisation bruxellois de Najim Laachraoui, on peut déduire du témoignage de son ancien ami que “l’artificier” est passé d’une pratique rigoriste mais pacifique et respectueuse d’autrui, née vers ses 17-18 ans, à du salafisme djihadisme qui l’a conduit à assassiner des dizaines de personnes. L’ancien professeur de Najim, Bruno Derbaix, expliquait que l’étudiant   passait son temps à défendre un Islam de paix et à s’offusquer des déformations islamophobes de sa religion. Comment a-t-il pu devenir l’archétype de ce qu’il dénonçait autrefois  ?

Echec scolaire sur fond de guerre en Syrie

Othman A. poursuit son récit. Le passage à l’université ne s’est pas très bien passé pour les deux camarades. Najim Laachraoui rate sa première année d’ingénieur à l’U.L.B. En 2010, il tente médecine à l’U.C.L. et échoue à nouveau, de même que son camarade, Othman A., qui explique que leurs écoles secondaire, “de mauvais niveau”, ne les avaient peut-être pas préparés à la rigueur de l’université. Driss Laachraoui, lui, raconte que son fils passait son temps à regarder des vidéos en arabe au lieu de travailler ses cours. Homme de principes, le père de famille avait coupé Internet, mais il a été bien obligé de réactiver la connexion pour ne pas compromettre les études de ses autres enfants.

Fin 2010, début 2011. Pour les deux étudiants, c’est le blocus de janvier.A l’autre bout du monde, c’est le printemps arabe, qui a suscité de grands espoirs vite étouffés et, ce qui est encore plus triste, d’immenses tragédies.Entre les pays plongés dans la guerre comme la Syrie ou la Libye, le retour de logiques dictatoriales en l’Egypte ou en Tunisie, on résume  le printemps arabe, avec le recul, à un immense gâchis, un phénomène qui aurait pu tout aussi bien ne jamais se produire, vu les “résultats”.Et pourtant, il faut se rappeler les grandes injustices qui ont structuré cet évènement majeur. La Syrie, avec ses merveilles architecturales et sa riche culture, était sur le plan politique une féroce dictature. On a du mal à s’imaginer, lorsqu’on vit dans des Etats de droit plus ou moins fonctionnels, l’impact que peut avoir un “régime autoritaire” sur la vie quotidienne. En Syrie, le moindre mot pouvait être retenu contre vous , et vous envoyer en prison.

Dans les années 80, le régime syrien avait dû faire face à une insurrection menée par l’organisation des “Frères Musulmans” syriens.  Hafez Al-Assad, le président de l’époque, n’avait pas hésité à bombarder la ville de Hama, faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes. Bien sûr, le régime a aussi pourchassé les militants de l’organisation, mais aussi leur famille, leurs amis, et tous ceux qu’on assimilait à des activistes sous prétexte d’une pratique religieuse banale. Le but était de terroriser la population toute entière. Les personnes arrêtées étaient écrouées pour de nombreuses années, sans jugement.  Le système pénitentiaire est malheureusement connu, presque partout dans le monde, pour faire plus de mal que de bien. En Syrie, cependant,  les prisons étaient et restent de véritables centres de torture à grande échelle, et recevoir des dizaines de coups de fouet à la suite presque chaque jour n’est que la plus “banale” des pratiques dans la panoplie des traitements inhumains infligés aux prisonniers.Dans ces conditions, on mesure le courage qu’il a fallu à la population syrienne pour se mettre à manifester en masse en 2011, dans cette dictature si brutale. Le régime, cette fois dirigé par Bachar, le fils de Hafez Al-Assad, usa des méthodes traditionnelles pour répondre à ces protestations. Tirs sur la population, arrestations massives et tortures sauvages, et bientôt, les bombardements. Rien de très étonnant pour tout observateur de la situation des droits humains en Syrie et dans le monde arabe en général. On ne retrouve là que des pratiques de mise depuis des décennies. Malheureusement.

Mais nier l’injustice est peut-être pire que l’injustice elle-même. Comme certains  quartiers et certaines villes syriennes avaient fini, après plusieurs mois tout de même, par prendre les armes pour se défendre contre les milices du régime, Bachar Al-Assad eut tôt fait de se poser comme rempart de la modernité en Syrie. Ses pratiques étaient certes un peu “autoritaires” , mais il expliqua tout de suite qu’il voulait empêcher la Syrie de devenir un “nouvel Afghanistan”, alors que, au début de leurs contestations, les manifestants syriens ne revendiquaient même pas la chute du régime. En fait, Bachar Al-Assad a tout simplement exploité les craintes qu’il percevait chez le public occidental à l’égard du monde musulman : dès qu’il y’a protestations, soulever le sceptre du terrorisme et du danger pour les minorités non-musulmanes. Il ne s’agissait pas seulement d’intoxication médiatique, car Bachar a aussi usé de stratégies concrètes pour radicaliser ces contestations, en envoyant ses milices faire de fausses manifestations anti-minorités, en libérant les détenus islamistes radicaux de ses prisons… Tout ça, on le sait désormais, avec les années de recul et de travail scientifique sur la Syrie, mais en 2011 et encore longtemps après, la propagande de Bachar Al-Assad rencontrait un succès certain. Et a permis de passer sous silence les crimes massifs commis par le régime, bien avant l’irruption des groupes terroristes djihadistes dans le pays.

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Pendant ce temps, en Belgique, les choses ne s’arrangent pas pour Othman et Najim, qui ratent leur première année de médecine.  D’après Othman A., Najim avait été très affecté par ses échecs successifs  à l’université.  Il est clair que quand on a 18-19  ans et qu’on rate ses études supérieures, surtout quand on a toujours excellé auparavant, le sentiment d’échec est très dur à avaler. L’impression de rester en arrière pendant que les autres avancent peut être déstabilisant. Si, par-dessus le marché,  on s’intéresse un peu à ce qui se passe dans le monde, et qu’on se sent tout particulièrement concernés par les printemps arabes, le malaise peut vite s’intensifier, avec ces crimes atroces relayés par les uns mais niés par les autres, le sentiment que l’impunité ou du moins la complaisance règne pour les dictateurs qui font semblant d’être “pro-occidentaux”…  Est-il possible que la tragédie syrienne ait aggravé cette impression de décalage avec le reste de la société, en nourrissant un sentiment d’injustice et de révolte ?“Peut-être que si on a raté nos études, c’est que Dieu avait d’autres projets pour nous”, avait confié Najim.  La rupture s’est-elle produite à ce moment là ?

Partir pour “aider”

Quelques mois plus tard,  la situation des  deux camarades semble s’améliorer sur le plan académique. Après l’échec en médecine, Othman entreprend des études d’interprétation. Najim , quant à lui, s’inscrit en 2011 à l’EPHEC (campus de l’I.S.A.T.), réussit sa première année d’électromécanique et s’inscrit en deuxième année, en septembre 2012. Mais quelques mois plus tard, en février 2013,  Najim part en Syrie. Avait-t-il décidé son départ sur un coup de tête ? Planifiait-il cela depuis plusieurs mois, malgré son inscription à l’école ?

Un de leurs amis communs, Bilal El Makhoukhi (accusé dans le procès des attentats du 22 mars), était parti en Syrie en octobre 2012. Othman explique que lui et Najim parlaient de ce départ avec admiration. Dans leur groupe d’amis, dit-il, tout le monde s’intéressait à la Syrie, et tout le monde voyait d’un bon oeil la résistance à Bachar Al-Assad. Tout le monde trouvait noble de partir “aider le peuple syrien”, leur seul point de désaccord portait sur la douleur qu’un tel départ causerait chez leurs parents, douleur que Najim et Othman considéraient come “un moindre mal”. En plus, ces jeunes ne souhaitaient pas forcément partir pour se battre, ils se disaient qu’ils pouvaient contribuer de façon logistique uniquement. Avec le recul, Othman  imagine bien “qu’il y’avait sur place une pression pour combattre”.Mais à l’époque, ce n’est pas comme ça qu’il voyait les choses. Othman A. tient à rappeler le contexte : en 2012-2013, on ne parlait que de “rebelles”, pas de groupes “djihadistes”. Pas “d’Etat islamique”.  “Les seuls groupes inquiétants, c’était  Jabhat An-Nosra (Al-Qaïda) ou l’Etat islamique, qui était  mieux vu”. De toute façon, les frontières idéologiques ou politiques  entre les différents “groupes rebelles” étaient assez floues. Par exemple, explique Othman, l’armée syrienne libre (A.S.L) recevait elle-même des jeunes Belges partis pour la Syrie, et les renvoyait en général vers des groupes djihadistes, pour la simple raison qu’elle n’avait pas les ressources pour gérer ces jeunes.  Le fait est parlant, puisque  l’A.S.L., ce groupe composé au départ d’anciens soldats de l’armée syrienne qui ont décidé de combattre la politique du régime, était vue comme une résistance légitime en Occident et fut même, comme on l’a dit plus haut,  considérée comme “mécréante” par “l’Etat islamique”.Cela signifie que ces départs de l’année 2012-2013 ne se faisaient pas dans une optique de rejoindre un groupe terroriste, mais tout simplement dans une volonté “d’aider” le peuple syrien dans sa lutte contre le régime. Et même des ”rebelles modérés”, comme on le disait en Occident, pouvaient  sans problèmes rediriger des recrues vers des groupes jihadistes.

Selon Othman A., tout s’est fait, finalement, de façon “spontanée”. Les départs en Syrie, c’était vu comme  “naturellement bien”, ils ne s’étaient pas posé plus de questions que ça. Othman a été condamné par la justice en tant que dirigeant des activités d’un groupe terroriste. En fait, il a “assisté des amis dans leur projet d’aller en Syrie”, en achetant des équipements chez Décathlon,  en les gardant chez lui à l’abri du regard des parents des jeunes désireurs de partir. Othman A. insiste sur la dynamique relationnelle de ces premiers départs, avec des “potes” partis d’abord d’Anvers, ce qui incita ensuite des jeunes de Vilvoorde, Schaerbeek puis Laeken à partir à leur tour.   Il semblerait même que ce soit Othman et son frère qui ont fourni ses équipements à Sabri, jeune de Vilvoorde décédé en Syrie et dont  la maman, Saliha Ben Ali (que nous avions rencontrée à l’occasion du podcast de notre acte I), est connue pour son combat contre la radicalisation.  L’enquête de Médor montre en tout cas que dans l’ombre du départ de Sabri - et donc du rôle “logistique” d’Othman  - rôdent plusieurs recruteurs, “indépendants” ou agissant au sein même d’un lieu de culte.  Ce qui confirmerait les intuitions de Mourad et Driss Laachraoui, selon lesquels Najim aurait pu se radicaliser via la mosquée.  On sait aussi que Othman, Najim et Bilal El Makhouki avaient été arrêtes administrativement en 2012 suite à une manifestation devant  l’ambassade du Myanmar pour protester contre le traitement des musulmans en Birmanie. Etaient présents, ce jour-là, plusieurs personnages qu’on retrouvera cités plus tard dans des dossiers lié au terrorisme ou à des filières de recrutement pour la Syrie.

L’engrenage criminel

Najim Laachraoui s’en va en février 2013.  Othman, lui, “ne se sentait pas prêt”. Aucun membre de leur cercle d’amis n’insistait pour que l’un ou l’autre fasse le pas, Najim n’avait lui-même prévenu personne. Il n’était pas du genre à fanfaronner, il faisait ce qu’il pensait juste “pour lui avant tout”, explique Othman. On sent l’admiration que l’homme nourrissait  pour son ami de l’époque.  Mais ça, c’était avant.

Othman confirme que lui et ses amis  avaient une vision très idéalisée de la rébellion en Syrie. Pour eux, les rebelles étaient globalement tous les mêmes, et parce que leur objectif, vaincre Bachar Al-Assad, était noble, alors leurs combats l’étaient aussi. Othman compare la Syrie de 2011-2013 à l’Ukraine d’aujourd’hui : un pays en proie aux agressions et bombardements d’un dictateur, dont il devient “compréhensible de combattre les soldats, même si ça reste mal”.Cependant, l’incompréhension d’Othman grandit. Il voit que non-seulement les rebelles se battent entre eux, mais qu’en plus les civils deviennent victimes des troupes de Bachar Al-Assad, mais aussi d’autres groupes rebelles, comme les fameuses milices  djihadistes. Son “admiration” se dissipe. Avec les attentats, elle disparaît complètement. Il ne veut plus rien à voir à faire avec la tragédie syrienne.

Othman A. n’admire plus non plus son ancien ami, Najim Laachraoui. Othman note que celui-ci est devenu “différent” dès le milieu de l’année 2013, soit moins de 6 mois après son départ. Par exemple, il remarque que le jeune homme aspire désormais à mourir en martyr, alors que normalement, “même quand on combat pour la foi, le martyr n’est pas un but en soi, c’est une consolation tout au plus, car l’objectif est de gagner, pas de mourir”. Othman pense que derrière cette aspiration au “martyr”, Najim cache en fait un “un ras-le-bol de ce qu’il vit” et une “envie de mourir”. Najim lui dira d’ailleurs qu’il ne “cherche plus rien, sauf peut-être une femme pour avoir des enfants qui suivront mes pas”. Ou alors “partir par la grande porte”…

Que cache cette expression énigmatique ? Avait-il déjà en tête de faire des victimes innocentes ? Pensait-il encore se limiter à “combattre le régime” ?En tout cas, pour Othman, la conclusion semble claire : Najim Laachraoui s’est surtout radicalisé en Syrie. Sur place, il a peut-être été amené à commettre des actes qu’il réprouvait au départ.  Il se sera alors “perdu dans l’engrenage”.  Najim étant “très dur et exigeant envers lui-même”, ça aurait été pour lui  très “difficile de reconnaître ce qu’il était devenu”. Il aurait alors préféré se plonger complètement dans son engagement criminel, et “mourir en homme de bien plutôt que vivre en monstre” …

Des jeunes livrés à eux-mêmes ?

En sortant de la salle d’audience, ce jour-là, notre équipe remarque une conversation entre Me Xavier Carette, avocat d’Ibrahim Farisi (acquitté) et Othman A. L’avocat le félicite pour son témoignage, qui aurait permis de beaucoup mieux comprendre la situation.Il est vrai qu’en  peu de temps, Othman A. a pu éclairer le contexte des attentats du 22 mars, auquel il faut indubitablement lier la guerre en Syrie.Ce qu’il nous a raconté, finalement, c’est l’histoire de deux jeunes Belges,  qui ont tout pour réussir, se cherchent religieusement, et qui sont peut-être un peu rigoristes, mais qui restent bien élevés, ouverts et tolérants. Alors qu’ils tentent de se lancer dans la vie, éclate la tragédie de la guerre en Syrie. Ils s’intéressent  à ce qui se passe dans cette région du monde, et on peut imaginer qu’ils auront été encore plus marqués par ces évènements, car leur identité, c’est la Belgique, Bruxelles, Vilvoorde, Anvers, peu importe, mais aussi leur héritage arabo-musulman. Rien de très étonnant.  On peut aussi supposer que ces Belges de confession musulmane auront été particulièrement sensibles aux drames vécus par la population syrienne. Ils auront peut-être aussi été en colère, à cause de l’impunité qui régnait face aux crimes de Bachar al-Assad, de la même manière que Najim Laachraoui était en colère lorsqu’il était en secondaire et qu’il lui semblait que l’Occident toisait sa religion, pour reprendre les termes de son ancien professeur.

Pour expliquer la radicalisation, le sociologue Gilles Kepel met en avant les lectures “djihadistes” de l’Islam, en préconisant de lutter contre leur propagation : pour lui,  l’extrémisme violent est due à une radicalisation de l’islamité.  Cette théorie a pour avantage de mettre en avant les théories des “penseurs” salafistes djihadistes, ce qui permet de mieux connaître leurs discours.En réponse à cette thèse, cependant, le professeur Olivier Roy parlait “d’islamisation de la radicalité”, où l’Islam n’est qu’un prétexte pour justifier une radicalité déjà présente, et qui dans d’autres contextes, se serait exprimé autrement. C’est une explication qui convient bien au profil “standard” du radicalisé, celui de l’ancien délinquant, souvent en échec scolaire ou mal inséré professionnellement, qui a manqué d’une figure paternelle forte,  et qui trouve enfin, dans une certaine conception de la religion, une légitimation de ses ratages, de son goût de la destruction et de l’autodestruction.   Dans ses travaux, Olivier Roy a aussi beaucoup développé la thèse de “l’Islam sans culture”, en montrant que ces mouvements extrêmistes qu’on décrit comme “archaïques”, “littéralistes”, “moyen-âgeux” et qui se présentent eux-mêmes comme “purs” et non-corrompus, sont en fait des symptômes de la modernité.
Le politologue François Burgat a en horreur la thèse de Gilles Kepel, et éprouve de la sympathie pour celle d’Olivier Roy, mais explique plutôt que la cause principale est géopolitique et que quand une population subit des troubles majeurs, il est logique que l’extrémisme et la violence surgissent. Ainsi, si on avait lutté contre Bachar Al-Assad plus franchement, “l’Etat Islamique” n’aurait jamais connu autant de succès : c’est notre politique internationale qu’il faudrait revoir.Pour Najim Laachraoui, il est possible que ces trois explications cohabitent : un échec scolaire mal vécu qu’on cherche à dépasser en y voyant un “signe religieux”, des lectures “saoudiennes” de la religion qui se sont ensuite politisées, et une sensibilité aux injustices exacerbée par l’impunité dont bénéficiait le dictateur syrien.

Mais ce qui frappe aussi, c’est l’espèce de bulle dans laquelle gravitaient ces jeunes. Quand ils devisaient sur la Syrie, ils étaient seuls. Quand ils s’activaient religieusement, ils semblaient seuls aussi. Isolés du reste de la communauté musulmane, et de la société. De manière générale,  la Syrie n’était pas abordée dans le discours religieux traditionnel dominant à Bruxelles. Les pouvoirs publics n’ont commencé à traiter de la situation syrienne et son impact sur les jeunes que trop tardivement, après la vague de premiers départs. Pourtant, cette situation n’a fait qu’exposer des questions cruciales qui existent depuis très longtemps, et qui restent sans réponses.Lorsque des musulmans sont tués dans une autre partie du monde, faut-il, en tant que jeune belge musulman, se sentir concerné ? Que peut-on faire quand on ressent de l’injustice ?  Comment réagir lorsque la société dans laquelle j’ai grandi semble indifférente à mes questionnements politico-religieux ? Faut-il rompre avec mon pays pour me sentir en accord avec mes convictions ? Mon héritage occidental est-il en accord avec mon appartenance musulmane ? Puis-je être un bon musulman et un  jeune occidental en même temps ? Le “djihad”, c’est quoi ?Le contexte de méfiance envers les communautés musulmanes, en Belgique comme dans d’autres sociétés occidentales,  a pu faire en sorte que, contrairement à ce qu’on lui reproche justement, le discours des communautés musulmanes aborde peu les sujets qui “fâchent”.Comme on l’a vu, il est possible que dans le cas de Najim, une mosquée, ou plutôt un prédicteur débarqué en son sein, à un moment précis, ait pu jouer un rôle. Mais ce n’est pas le cas pour la plupart des lieux de culte, instituts, organismes musulmans, et globalement, on peut même dire que les institutions musulmanes n’ont joué aucun rôle du tout.  Peut-être parce que, quand un problème qu’on lie à l’Islam survient, les autorités ont tendance aujourd’hui à considérer les musulmans comme des ennemis plutôt que des partenaires.  C’est ce qui explique le “mutisme” qu’on se met ensuite à reprocher aux institutions musulmanes. Là où celles-ci auraient aimé agir en proposant “un autre Islam”, on les somme, énervés par l’actualité du moment, de répondre avec “moins d’Islam”.
De toute façon, Najim et ses amis n’ont eu besoin d’aucun recruteur pour être indignés, et seuls dans leur quête de réponses. Quand les questions polémiques sont devenues un tabou collectif, et qu’on a peur d’être “catalogué” si on ose s’interroger, ce qui est tabou se traite dans l’ombre. Derrière son écran d’ordinateur ou avec les seuls amis qui se questionnent comme nous. Avec les bons conseils, le bon background, les bons mots-clés, on peut espérer tomber sur les nombreux travaux et initiatives qui déconstruisent religieusement  les propagandes “ à la Daesh” , mais qu’on ne médiatise pas assez. Mais parfois, l’éclairage qu’on croit trouver est né dans l’ombre des mauvais génies qui, sur le Net ou dans la rue, rôdent autour de ces jeunes indignés et révoltés, et qui leur distribuent la mauvaise parole, sans honte aucune. Parce que les vrais ennemis, eux, ne voient pas l’étiquette “d’extrêmiste” comme une insulte.

Chaque trajectoire est unique, il en va de même pour les processus de radicalisation. Malgré tout, dans beaucoup de cas, on a pu déceler un “parcours-type”, celui du jeune marginalisé et sans repères. On sait aussi que le passage à l’extrémisme se faisait généralement en-dehors des mosquées.Mais il y’a parfois  des trajectoires qui interrogent davantage, avec des jeunes radicalisés qui étaient pourtant promis à un bel avenir, et dont la motivation politico-religieuse était très forte, et qui sèmeront sciemment le chaos là-bas en Syrie et ici en Belgique. Des jeunes “intelligents, polis, gentils”, comme l’avait été Najim Laachraoui.Et quand on pense à ces parcours, on est assailli de questions, de doutes. Tout comme ces jeunes, qui se sont trouvés dans une quête compréhensible d’identité et de justice, tout seuls. Sous prétexte qu’il y’a de mauvaises questions, celles trop religieuses, celles trop politiques, celles “pas assez intégrées”, celles qui ne sont ‘pas tes affaires”, celles “trop compliquées”, on n’a eu que le silence à proposer. Et d’autres ont pu s’engouffrer dans cette absence de sens pour y opposer leurs cruelles réponses.Alors, Parresia a voulu crever l’abcès, non pour provoquer, encore moins pour apporter les réponses, mais pour susciter la réflexion et soulever les enjeux, démarche sans laquelle on ne peut rechercher de solutions, car plus les questions fâchent, plus importants sont le penser, le débattre et l’agir.

Ines Talaouanou
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